Suivi et modélisation des flux hydrologiques sous les scénarios actuels et futurs d’utilisation des terres et de changement climatique dans le sous bassin de la rivière Kasaï, Bassin du Congo

Le Bassin du fleuve Congo (CRB) est constitué de cinq grandes unités de drainage, dont l’Oubangui (Nord-Est), la Sangha (Nord-Ouest), le Kasaï (Sud-Ouest) et le Lualaba (Sud-Est). Ce sont les principaux sous bassins d’amont qui ont une topographie plus escarpée, à partir desquels s’écoulent les quatre principaux affluents (Kasaï, Lualaba, Oubangui et Sangha) qui se rejoignent dans le Bassin Central et constituent le principal cours d’eau du fleuve Congo. Ce bassin central est dominé par un système de drainage interne connu sous le nom de Cuvette Centrale.

Dans le CRB, les interactions entre ces affluents majeurs influencent de manière significative l’hydrologie et l’écologie du système du fleuve Congo. La dynamique des écoulements de ces affluents entraîne des variations du régime hydrologique ainsi que des cycles des sédiments et des nutriments dans le CRB. Ces interactions façonnent des habitats diversifiés qui abritent un large éventail d’espèces aquatiques, soutenant ainsi la biodiversité globale du système du fleuve Congo. La compréhension des interactions de ces affluents est cruciale pour des stratégies de gestion et de conservation efficaces, en particulier dans les conditions des changements environnementaux et des activités humaines. S’il existe relativement peu d’informations pour le principal tronçon moyen du fleuve Congo (O’Loughlin et al., 2013, 2020 ; Carr et coll., 2019, 2022 ; Tshimanga et al., 2022 ; Kechnit et al., 2024a,b), ce n’est pas le cas des autres grands affluents qui restent largement sous-étudiés.

Parmi ces grands affluents, le sous-bassin du Kasaï reste le plus important en termes de capacité de débit et de stockage. Sur la base de données satellitaires, Tourian et al. (2023) montrent qu’actuellement, le stockage total d’eau drainable (TDWS) du CRB se situe dans une fourchette de 476 km3 à 502 km3, inégalement répartis dans la région, 63 % étant stockés dans les sous-bassins les plus méridionaux, Kasaï (220-228 km3) et Lualaba (109-169 km3), tandis que les sous-bassins nord ne contribuent qu’à 173 ± 8 km3. Le sous-bassin du Kasaï a la capacité la plus élevée, stockant 220 ± 4 km3, soit environ 43% de l’eau drainable totale du CRB. Son bassin versant s’étend sur près de 900 000 km2, avec un débit moyen de 11000 m3/s.

La dynamique des ressources en eau au Kasaï reste largement inconnue en raison d’un manque critique de système de surveillance. Dans le même temps, ce système hydrologique essentiel du CRB subit actuellement une pression énorme en raison du changement d’occupation des sols et du changement climatique. La rivière Kasaï est le principal affluent qui sert d’artère de navigation, reliant de nombreuses entités administratives décentralisées de la région centrale de la République démocratique du Congo (RDC) à d’autres grandes villes du bassin du Congo telles que Kinshasa, Brazzaville Mbandaka, Kisangani et Bangui. Les autres affluents majeurs du fleuve Kasaï sont le Kwilu, le Kwango, le Loange, le Lulua, le Sankuru, le Fimi, le Lubefu, le Lubilash, le Bushimaie, le Miao, le Lukenie et le Tshikapa, dont la plupart proviennent d’Angola. La population du bassin du Kasaï est estimée à 18,454 millions d’habitants (Population mondiale, 2019), avec un taux de croissance de 3,3%. L’utilisation de l’eau dans le bassin est actuellement limitée à l’usage domestique, à l’agriculture irriguée à petite échelle, à la navigation, à l’exploitation minière artisanale et à la micro-hydroélectricité. Il y a de grands lacs comme Mayi-Ndombe, de vastes plaines inondables et des zones humides, et de grands canaux fluviaux qui soutiennent la biodiversité aquatique endémique. En raison de l’expansion économique prévue, les modes d’utilisation de l’eau devraient augmenter à l’avenir, en particulier en ce qui concerne la navigation, l’hydroélectricité, l’agriculture irriguée et l’exploitation minière.

À partir des images satellites, 1984-2018, Mushi et al. (2019) ont montré une augmentation de la charge sédimentaire dans certains des principaux affluents du bassin du Congo tels que le Kasaï et l’Oubangi. Des études récentes de Mushi et al. (2019 ; 2022), Tshimanga et al. (2022) et Ruppen et al. (2023) ont également montré un lien entre les activités minières et des charges sédimentaires plus élevées dans le fleuve Kasaï. Les activités minières au Kasaï impliquent souvent la déforestation et l’excavation du sol, ce qui augmente les apports en sédiments à la rivière et aux réservoirs et les émissions de carbone. Cette sédimentation modifie la morphologie des rivières et peut entraver de nombreuses opérations des ressources en eau et nuire à la biodiversité aquatique. En raison de l’utilisation des terres et des changements climatiques dans le bassin, combinés à de mauvaises pratiques de gestion de l’environnement, on s’attend à ce que de nombreux changements se produisent dans un avenir rapproché, avec des répercussions sur les régimes hydrologiques, la disponibilité des ressources en eau et les modes d’utilisation de l’eau.

Les défis ci-dessus nécessitent une compréhension scientifique des facteurs à l’origine des changements dans les flux hydrologiques et des impacts sur les stockages d’eau du bassin. Cette compréhension est nécessaire pour éclairer les futures politiques de gestion des ressources en eau afin de parvenir à la conservation, à l’utilisation optimale des ressources et au développement durable dans le bassin du Congo, plus particulièrement dans le sous-bassin du Kasaï.

Le projet de recherche doctorale s’appuiera sur l’utilisation d’une combinaison d’approches telles que les mesures in-situ, la télédétection, la modélisation et l’analyse multicritères pour :

• Identifier et caractériser différents stockages ou compartiments d’eau à travers le bassin du Kasaï ;
• Concevoir et mettre en œuvre un système de suivi hydrologique optimal qui soit représentatif de la répartition des compartiments des ressources en eau douce et qui tienne compte de la variabilité hydrologique à travers les échelles spatiales et temporelles ;
• Quantifier les flux hydrologiques du bassin, leurs interactions dynamiques et les facteurs à l’origine de leur changement dans le bassin ;
• Analyser un ensemble de scénarios d’utilisation des terres et de changements climatiques afin d’évaluer les impacts des changements sur la disponibilité des ressources en eau et les modes d’utilisation de l’eau, et identifier les meilleures options politiques pour la conservation, l’utilisation optimale des ressources et le développement durable dans le bassin.

Ce projet de recherche doctorale s’inscrit dans le cadre de la mise en œuvre de l’Observatoire d’Hydrologie et d’Eau Douce de l’Initiative Science pour le Bassin du Congo (CBSI), il est prévu que la recherche doctorale informe ou soit informé par les autres observatoires du CBSI tels que l’Observatoire du Climat, l’Observatoire de l’utilisation des sols de l’occupation des sols, l’Observatoire de la biodiversité et l’Observatoire du système socio-écologique, contribuant ainsi au partage d’informations pour l’ensemble de l’Observatoire du Bassin du Congo. La recherche doctorale permettra d’améliorer la consolidation du Système d’Information sur le Bassin du Congo (CB-CIS, https://cbcis.info/) grâce à la fourniture régulière de données in situ de qualité, de résultats de télédétection et de modélisation. CB-CIS fait partie de l’observatoire global d’hydrologie et d’eau douce pour le bassin du Congo.

De nombreux problèmes menacent la sécurité de l’eau dans le bassin du Kasaï, ici les images montrent une pollution de l’eau à grande échelle par les mines (rivière de couleur rouge), une station de surveillance déficiente